Me rendre compte que je devais continuer sans Sepultura, c'est ce qui a été le plus difficile pour moi. Ca, et trouver les bonnes personnes pour pouvoir le faire", déclare Max Cavalera à propos de la formation de son nouveau groupe, Soulfly.
"Mais, pour rien au monde, je n'aurai arrêté la musique ni laissé tomber."

Ne jamais abandonner est depuis toujours un leitmotiv dans la carrière de Max Cavalera.
En tant que co-fondateur (avec son frère Igor) du groupe de Metal brésilien Sepultura, Max a défié les conventions en écrivant et jouant une musique brutale qui était populaire de par le monde mais regardé d'un drôle d'air par la communauté musicale brésilienne. Malgré des désavantages certains (un manque de soutien à la maison, des contacts inexistants et un sens de la communication bancal), Sepultura est sorti du Brésil pour devenir l'un des groupes de Metal les plus connus de ces dix dernières années et ce, à travers le monde entier. Et avec des albums comme Chaos A.D. et Roots, le groupe a inauguré un mariage du Metal et de la World Music qui a établi Sepultura comme l'un des groupes de Metal les plus novateurs.

Mais le changement est la seule constante dans l'univers. C'est sûrement ce qui explique que des avis différents sur la musique, le business et les objectifs de carrière aient mené à une séparation entre Max et le reste de Sepultura. Faisant suite au décès tragique de son beau-fils et ami Dana Wells, le split a traumatisé Max de manière plus profonde encore. Heureusement, la fin d'une ère a donné naissance à une nouvelle ère, et Max a monté Soulfly, ce qui lui a permis de trouver les nouveaux musiciens et l'énergie dont il rêvait.
"Monter ce nouveau groupe m'a vraiment aidé à traverser les épreuves", confesse Max. "Sans Soulfly, cela aurait été dix fois plus dur. Pour moi, la musique a toujours été le meilleur moyen d'évacuer mon stress et mes émotions. Quiconque m'a déjà vu live ou a déjà écouté ma musique sait cela. Continuer à travailler m'a vraiment aidé à traverser cette putain de sale période."
"Le truc avec ces mecs, c'est qu'ils ont tous l'attitude que je souhaite voir dans un groupe", déclare Max, "qui est de faire de la musique, jouer avec le feu, et ne pas se prendre la tête pour des conneries. Ces mecs ont ça. Ca fait du bien de se retrouver dans une salle de répétition et d'avoir la chair de poule en réalisant que tu fais à nouveau partie d'un groupe."
Le premier à avoir été engagé, quand Max a commencé sa recherche en janvier 96, est Roy, précédemment batteur du groupe new-yorkais Thorn, ainsi que remixer et producteur à ses heures. Puis vint Marcello, que Max connaissait déjà bien : il était roadie de Sepultura depuis des années. La dernière pièce du puzzle a été Jackson, qui jouait de la guitare dans le groupe brésilien préféré de Max, Chico Science. Malheureusement, le chanteur de Chico Science est décédé, laissant le groupe avec un futur incertain. Mais cette tragédie a donné à Jackson l'opportunité de rejoindre Max et de compléter le line-up de Soulfly.
"Il a son propre style, sa propre personnalité et beaucoup d'idées nouvelles", dit Max. "D'une certaine manière, ça me rappelle l'arrivée d'Andreas dans Sepultura; grâce à lui, le groupe a atteint un niveau supérieur. C'est ce que je ressens avec Jackson. Mélangé à ce que je fais, c'est la combinaison idéale."
Cette combinaison est clairement sensible sur le premier album éponyme de Soulfly. Les fans du son monstrueusement heavy que Max avait établi avec Sepultura ne seront pas déçus, puisque l'album montre toute l'agressivité et la puissance qui sont la marque de fabrique de Max. Mais, alors qu'un morceau comme Eye For An Eye (le seul titre, selon Max, qui fasse référence à la séparation d'avec Sepultura) est un déploiement direct de brutalité, le reste de l'album montre la détermination de Max à continuer à élargir ses horizons musicaux.
"Il y a un morceau qui s'appelle Bumba (un mot Portugais qui signifie "grand bruit") qui a été co-produit par Mario C. (qui a travaillé avec les Beastie Boys) et c'est la première fois que j'explore l'idée de mixer ma musique à des samples. C'est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps. Je pense que cet album sera encore plus varié que Roots, ce qui vous donne une idée de sa diversité. Bien sûr, les gens noteront une ressemblance avec Sepultura, parce que c'est ma voix et que je n'aipas changé de style vocal, et qu'il y a des riffs et des trucs tribaux qui continuent le genre de choses que j'ai faites avec Sepultura, mais cet album va bien plus loin que ce que j'ai pu faire auparavant."
En plus de Mario C., on trouve sur Soulfly Burton C.Bell, Dino Cazares et Christian Olde Wolbers de Fear Factory, Fred Durst et DJ Lethal de Limp Bizkit, Chino des Deftones, Benji de Dub War, Eric Bobo de Cypress Hill et Jorge DuPeixe et Gilmar Bolla également de Chico Science. Supervisant l'intégralité du projet, on retrouve le producteur Ross Robinson, qui a collaboré avec Sepultura sur Roots et s'est fait un nom en produisant des groupes comme Korn et Limp Bizkit.

Max n'a pas pu s'empêcher de participer à mille projets pendant qu'il écrivait puis enregistrait les titres de Soulfly : en septembre 97, il a témoigné aux côtés de Moby et Marilyn Manson au CMJ New Music Marathon de New-York. Le discours de Max s'articulait autour de sa carrière, ses croyances et son engagement dans le Metal en dépit des modes et de l'indifférence de l'industrie musicale. L'expérience des "spoken words" s'est ensuite poursuivie en Hollande et en Belgique.
Max a également joué sur l'album des ses potes, les Deftones. Et, par un de ces hasards du destin, on lui a demandé de chanter le jingle d'une pub pour Sprite, qui sera diffusée au Brésil début 98. "Ils ne vont sûrement pas aimer ce que je vais faire. Mais s'ils l'acceptent, ce sera génial, parce que je vais faire quelque chose de vraiment hors norme, voire scandaleux. Pour moi, c'est une manière d'aller contre la société au lieu de m'y fondre."
Malgré tous ces à-côtés, Max est resté concentré sur une chose, celle qui signifie le plus à ses yeux : faire de la musique avec passion et intégrité. Et, avec l'arrivée de Soulfly, il a vraisemblablement créé son album le plus personnel et le plus chargé émotionnellement à ce jour.
"Cet album s'est forgé dans la tragédie", conclut Max. "Ca peut paraître bizarre, mais c'est vrai. Il y a eu un prix à payer pour cet album, et le prix était élevé : perdre un ami très proche et me séparer de personnes avec lesquelles j'ai joué pendant quinze ans. Si Dana n'était pas mort et si j'avais continué avec Sepultura, cela aurait pu donner un album complètement différent. Je pense donc que tout le monde en l'écoutant comprendra pourquoi cet album est si intense et si personnel."

Soulfly